Eve Gaumond, lauréate de bourses des deux organismes subventionnaires (CRSH et FRQ)

Félicitations à Eve Gaumond pour l’obtention de bourses des deux organismes subventionnaires. Au printemps dernier, elle s’est vue décerner la bourse d’études supérieures du Canada offerte par le Conseil de Recherche en Sciences humaines du Canada (105 000$) et la bourse de doctorat en recherche des Fonds de recherche du Québec (100 000$). Les travaux de Mme Gaumond sont supervisés par la professeure Catherine Régis, chercheuse au CRDP. Consultez son perojet de recherche ci-dessous :

CONTEXTE: À l’heure actuelle, l’usage de l’intelligence artificielle au sein des universités perpétue une approche marchande de l’éducation supérieure—c’est-à-dire une approche qui se concentre principalement sur les impacts économiques de la formation universitaire. Même si elle est souvent décrite comme une technologie révolutionnaire, l’IA ne remet pas en question cette vision marchande de l’éducation. Au contraire, elle offre de nouveaux outils favorisant sa mise en œuvre. Par exemple, les universités utilisent des algorithmes qui prédisent les taux d’inscription, d’échec et d’abandon afin de mieux gérer l’allocation de leurs ressources et assurer leur viabilité économique. Les étudiants, pour leur part, utilisent l’IA pour gagner du temps, obtenir de meilleures notes et répondre aux pressions du marché. Enfin, les professeurs utilisent des systèmes d’IA pour débusquer les tricheurs et les empêcher d’accéder au marché du travail.

PROBLÉMATIQUE: Ces usages de l’IA sont susceptibles d’entraîner des atteintes aux droits et libertés fondamentaux. Par exemple, les algorithmes de prédiction du décrochage sont biaisés et tendent à défavoriser les étudiants appartenant à des groupes vulnérable à la discrimination. Dans le même ordre d’idée, les étudiants qui ont la peau foncée, qui vivent avec certains handicaps ou dont la langue maternelle n’est pas une langue dominante sont plus à risque d’être faussement accusés de plagiat par des systèmes d’intelligence artificielle. Enfin, la quantité de données collectée au sujet des étudiants pour faire fonctionner ces systèmes pose aussi des enjeux en termes de liberté d’expression, de vie privée et de droit à l’autonomie.

HYPOTHÈSE: Nous émettons l’hypothèse que les violations aux droits et libertés fondamentaux ne sont pas une conséquence inévitable de l’usage de l’IA en milieu universitaire. Ce serait plutôt l’idéologie qui guide l’implantation de l’IA au sein des universités qui serait responsable de ces atteintes. À notre avis, adopter une vision différente de l’éducation supérieure pourrait contribuer à réduire les risques d’atteintes aux droits fondamentaux causés par l’IA et permettre une amélioration de la formation universitaire. Abandonner l’approche marchande de l’éducation supérieure est certes ambitieux, mais il ne s’agit pas d’une ambition déraisonnable. En 2021, l’UNESCO a lancé une invitation à repenser les objectifs et les fonctions de l’éducation supérieure afin de mieux préparer les étudiants à relever les défis pressants du 21e siècle—i.e. les changements climatiques, les nouvelles technologies et le déclin de la démocratie et des droits de la personne. La chercheuse australienne Jane Kotzman propose une avenue prometteuse pour opérer ce virage : une approche de l’éducation supérieure qui s’appuie sur les chartes internationales des droits de l’homme. En vertu de cette approche, l’éducation supérieure ne doit pas seulement être au service de l’économie, elle doit aussi servir de véhicule de transformation individuelle, permettre aux étudiants de réaliser leur plein potentiel et les outiller pour leur permettre de contribuer à l’amélioration de la société.

QUESTION: La question à laquelle nous souhaitons répondre est la suivante: l’approche de Kotzman peut-elle servir à orienter une implantation plus responsable de l’IA au sein des universités—c’est-à-dire une implantation qui soit plus respectueuse des droits et libertés fondamentaux? Pour répondre à cette question, nous nous concentrerons sur les impacts de l’IA sur la formation des juristes. Les étudiants en droit se trouvent au cœur de la tension entre les deux approches concurrentes en matière d’éducation supérieure. Pour l’instant, leur formation est fortement influencée par l’approche marchande. Or, le droit est un domaine qui pourrait bénéficier d’une transition vers une approche ancrée dans les droits fondamentaux qui les préparerait mieux à s’engager pour faire face aux défis du 21e siècle.

 

Ce contenu a été mis à jour le 22 octobre 2024 à 22 h 51 min.